Introduction
L’agriculture intelligente face au climat (AIC) va au-delà de technologies et pratiques nouvelles telles que les variétés résistantes à la sécheresse ou l’agriculture de précision. Afin d’atteindre les objectifs multiples de productivité et de sécurité alimentaire, de renforcement de la résilience des agriculteurs et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’AIC doit adopter différentes perspectives de systèmes, notamment les paysages et les écosystèmes, ainsi que les chaînes de valeur. Du point de vue des systèmes, il est important de mettre à profit les synergies entre les différents éléments du système, d’analyser et de prendre en compte les compromis et de procéder à une analyse des coûts et des avantages. Ce n’est que de cette manière que l’on peut déterminer les mesures à prendre pour obtenir les résultats souhaités le plus efficacement possible, suite à la négociation des objectifs des parties prenantes.
Gestion des paysages
Introduction
Les paysages sont des mosaïques naturelles et culturelles de terres et d’eau. Ils comprennent, notamment les forêts, les vallées, les montagnes, les cours d’eau, la mer, les terres agricoles, les établissements humains ; etc. Minang et al. (2015, p. 5) 1 définissent les paysages comme « ... des systèmes territoriaux résultant des interactions entre les personnes, les terres, les institutions (lois, règles, règlements) et les valeurs ». Une définition courante de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)stipule que les paysages sont « un espace suffisamment vaste pour fournir des services vitaux d’origine écosystémique, mais suffisamment petit pour être géré par les personnes qui utilisent les terres qui produisent ces services » (FAO 2013a, p. 52). 2 Il y a lieu de ne pas confondre les paysages avec les écosystèmes, étant donné qu’un paysage peut contenir différents écosystèmes et que les activités et les institutions humaines sont considérées comme faisant partie intégrante des paysages et non comme des agents extérieurs (FAO 2012b). 3
Les approches paysagères visent à intégrer la gestion durable des écosystèmes et des ressources naturelles dans les considérations des moyens de subsistance, tout en reconnaissant que les paysages sont multifonctionnels, offrant des avantages et fournissant des services pour une large gamme de processus écosystémiques, d’espèces et d’acteurs sociaux. Elles cherchent à comprendre les différents éléments du paysage (par exemple les ressources en eau, la production agricole, la conservation de la diversité biologique et la gestion des forêts) et les intérêts connexes, ainsi que leurs interdépendances. La principale raison de l’application des approches paysagères consiste à abandonner les approches sectorielles étriquées reposant sur des utilisations débridées et concurrentes des terres, pour la planification et la gestion intégrée dans le cadre de laquelle les intérêts multiples des parties prenantes sont pris en compte, les synergies identifiées et des compromis négociés entre les différents usages.
Les approches paysagères comprennent la gestion intégrée des bassins versants et des bassins fluviaux, des approches paysagères durables, les approches écosystémiques, la gestion intégrée de l’agriculture et de l’élevage, l’agroforesterie, la gestion durable de la pêche, la gestion durable des forêts et l’amélioration de la gestion des parcours (FAO 2012b). 3
Du point de vue de l’agriculture intelligente face au climat (AIC), l’objectif principal d’une approche paysagère consiste à améliorer les synergies entre les trois piliers de l’AIC, tout en maintenant les services écosystémiques que l’environnement fournit et régule, tels que l’air pur, l’eau, la nourriture et les matériaux (Millennium Ecosystem Assessment 2005). 4 On fait valoir que seule une approche holistique qui intègre tous les secteurs et parties prenantes dans un paysage peut maintenir ces services écosystémiques et assurer un développement durable (FAO 2013a). 2
Contribution à l’AIC
Compte tenu de la diversité des interventions souhaitables qui peuvent être identifiées au niveau du paysage, les résultats liés aux trois piliers de l’AIC sont réalisables :
- Productivité : une approche au niveau du paysage améliore la productivité au niveau du terrain, car elle maintient les services d’origine écosystémique et crée des synergies entre les différents systèmes de production. Par exemple, les paysages peuvent abriter les prédateurs de ravageurs ou des insectes utiles, augmenter ou stabiliser les services de pollinisation ou aider à améliorer la présence et le débit de l’eau. Dans le même temps, des cultures mixtes, des systèmes combinant élevage et agroforesterie/foresterie peuvent être complémentaires et mutuellement avantageux (Scherr et al. 2012; 5 Harvey et al. 2013 6).
- Adaptation : la diversité des affectations des terres et des espèces, ainsi que la diversité génétique dans le paysage, peuvent réduire les risques (ravageurs, maladies et événements climatiques). En outre, un portefeuille plus diversifié de sources de nourriture et de revenu peut agir comme un rempart contre les chocs climatiques (et d’autres).
- Atténuation : des systèmes plus diversifiés intégrés dans une approche paysagère plus large, mettant un accent accru sur les cultures pérennes, les pâturages, les terres boisées, les forêts et les zones humides constituent un moyen efficace pour réduire les émissions des gaz à effet de serre (GES) et promouvoir la séquestration du carbone (Ibid.)..
Ressources clés
FAO. 2013. Climate-Smart Agriculture Sourcebook. Module 2: Managing landscapes for Climate-smart agricultural systems. Rome, Italy: Food and Agriculture Organization of the United Nations. Pp. 41-76.Guide de références à l’agriculture intelligente face au climat. Module 2 : Gestion des paysages pour des systèmes agricoles intelligents face au climat.
http://www.fao.org/3/a-i3325e.pdf
Ce module décrit comment se fait un passage progressif à l’agriculture intelligente face au climat (AIC). La première section décrit l’approche paysagère et explique pourquoi il convient de suivre cette approche pendant le passage à l’AIC. Dans une approche paysagère, la gestion des systèmes de production et des ressources naturelles couvre un espace suffisamment vaste pour fournir des services d’origine écosystémique vitaux, mais suffisamment petit pour être géré par les personnes qui utilisent les terres qui produisent ces services.
La deuxième section du module présente les différents éléments de l’approche paysagère et fait des suggestions quant à la manière dont celle-ci pourrait être mise en œuvre. L’approche intègre de nombreux secteurs différents, engage plusieurs parties prenantes et fonctionne sur un certain nombre d’échelles différentes. La deuxième section se penche également sur les négociations et la planification multilatérales. Elle donne un aperçu des options de politiques et de financement pour la promotion de la gestion intégrée du paysage et souligne l’importance de la surveillance des paysages. La troisième section présente des études de cas qui illustrent ce à quoi ressemble la mise en œuvre d’une approche paysagère, dans la pratique.
Harvey A, et al. 2013. Climate-Smart Landscapes: Opportunities and Challenges for Integrating Adaptation and Mitigation in Tropical Agriculture. Conservation Letters 7.Paysages intelligents face au climat : opportunités et défis liés à l’intégration de l’adaptation et de l’atténuation dans l’agriculture tropicale.
http://dx.doi.org/10.1111/conl.12066
Cet article met en lumière les possibilités d’obtenir des synergies entre les activités d’adaptation et d’atténuation dans les paysages agricoles tropicaux et examine comment les systèmes agricoles et paysagers peuvent être conçus et gérés pour atteindre ces synergies. En outre, il identifie certains des principaux obstacles scientifiques, politiques, institutionnels, financiers et socioéconomiques à la réalisation de ces synergies, et donne un premier aperçu des voies et moyens de surmonter ces obstacles. L’analyse porte essentiellement sur les systèmes agricoles tropicaux, car ceux-ci présentent un potentiel d’atténuation plus élevé que les systèmes tempérés, sont très vulnérables aux changements climatiques et jouent, par ailleurs, un rôle primordial dans les efforts mondiaux visant à améliorer la sécurité alimentaire et à faire reculer la pauvreté.
Scherr SJ, Shames S, Friedman R. 2012. From climate-smart agriculture to climate-smart landscapes. Agriculture & Food Security 1: 12.De l’agriculture intelligente face au climat aux paysages intelligents face au climat.
http://dx.doi.org/10.1186/2048-7010-1-12
Le document présente une évaluation de la dynamique des changements climatiques par rapport à l’agriculture, indiquant que trois principaux facteurs caractérisent un paysage intelligent face au climat : les pratiques intelligentes face au climat à l’échelle du champ et de la ferme ; la diversité des usages de la terre à travers le paysage pour assurer la résilience ; et la gestion des interactions liées à l’utilisation des terres à l’échelle du paysage en vue d’assurer des impacts sociaux, économiques et écologiques. Afin de mettre en œuvre des paysages destinés à l’agriculture intelligente face au climat qui présentent ces caractéristiques (c’est-à-dire pour les promouvoir efficacement et les maintenir au fil du temps, dans des conditions économiques, sociales, écologiques et climatiques dynamiques), le document indique que plusieurs mécanismes institutionnels sont nécessaires, à savoir : une planification multi-parties prenantes, une gouvernance du paysage et un régime d'exploitation des ressources favorables, des investissements spatialement ciblées dans le paysage qui contribuent à la réalisation des objectifs intelligents face au climat, et le suivi des changements afin de déterminer si les objectifs sociaux et climatiques sont en train d’être atteints à différentes échelles. Des exemples d’initiatives paysagères intelligentes face au climat dans les hauts plateaux de Madagascar, le Sahel africain et les Tropiques humides australiens illustrent l’application de ces éléments dans des contextes radicalement différents.
FAO 2012. Mainstreaming climate-smart agriculture into a broader landscape approach. Rome, Italy: Food and Agriculture Organization of the United Nations.Intégration de l’agriculture intelligente face au climat dans une approche paysagère plus large
http://www.fao.org/docrep/016/ap402e/ap402e.pdf
Le document évalue les principales interventions stratégiques, de gouvernance, financières et institutionnelles nécessaires, et examine la manière dont une approche paysagère peut favoriser l’adoption de l’agriculture intelligente face au climat et générer la croissance verte. Enfin, le document étudie les voies et moyens d’améliorer les synergies entre les secteurs de l’agriculture et de la foresterie et la manière dont ceci peut être facilité par la mise en œuvre du programme REDD+.
Minang PA et al. 2015. Climate-Smart Landscapes: Multifunctionality in Practices. Nairobi, Kenya: World Agroforestry Centre (ICRAF).Paysages intelligents face au climat : la multifonctionnalité dans les pratiques.
http://asb.cgiar.org/climate-smart-landscapes/
S’appuyant sur un large éventail d’études de cas concernant essentiellement des régions tropicales humides, subhumides et sèches à travers le monde, ce livre apporte des connaissances directement applicables dans le cadre des approches paysagères intelligentes face au climat, tout en mettant en exergue les questions clés qui appellent davantage d’efforts. Élaboré à l’intention tant des chercheurs, des praticiens que des décideurs, il jette un pont entre la théorie et la pratique. Le livre comporte six parties : après une introduction générale (1re partie), les concepts de base qui aident à comprendre les paysages (2e partie), précèdent les outils et concepts nécessaires pour susciter le changement (3e partie) ; une attention particulière à la participation du secteur privé (4e partie) et des exemples contextualisés (5e partie) contribuent à la synthèse et aux conclusions (6e partie).
CCAFS Big Facts website
Forêts et paysages :
https://ccafs.cgiar.org/bigfacts/#theme=adaptation&subtheme=forests
Preuves de réussite pour les paysages :
https://ccafs.cgiar.org/bigfacts/#theme=evidence-of-success&subtheme=landscapes&csSubtheme=true
Études de cas
References
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1
Minang PA, van Noordwijk M, Freeman OE, Mbow C, de Leeuw J, Catacutan D, (Eds.). 2015. Climate-Smart Landscapes: Multifunctionality in Practices. Nairobi, Kenya: World Agroforestry Centre (ICRAF).
http://theredddesk.org/sites/default/files/resources/pdf/climate-smart_landscapes.pdf Les approches paysagères offrent des opportunités de développement durable en favorisant des synergies entre les objectifs multiples dans les paysages (c’est-à-dire sociaux, économiques et environnementaux). Elles remettent en cause le concept de spécialisation « un lieu, une fonction » qui considère les sphères de l’agriculture, de la forêt et de la ville comme des « silos ». À la lumière de nombreuses études de cas provenant essentiellement des régions tropicales humides, subhumides et sèches à travers le monde, ce livre présente des connaissances directement applicables, tout en mettant en évidence les questions clés qui appellent des travaux supplémentaires. Élaboré à l’intention des chercheurs, des praticiens et des décideurs politiques, il lie la théorie à la pratique. S’appuyant sur des concepts présentés dans les volumes antérieurs, cet ouvrage explore quatre principales propositions sur des approches paysagères intelligentes face au climat et multifonctionnelles : A. les paysages actuels constituent un élément sous-optimal d’un ensemble de configurations paysagères réalisables au niveau local ; B. les acteurs et les interactions peuvent pousser les paysages vers des arbitrages mieux gérés dans l’ensemble des configurations réalisables, grâce à l’engagement, aux investissements et aux interventions ; C. le climat est l’une des nombreuses conditions aux limites pour le fonctionnement du paysage ; D. les théories du changement doivent être intégrées dans les théories de lieu pour un engagement spécifique au lieu. -
2
FAO. 2013a. Climate-Smart Agriculture: Sourcebook. Rome, Italy: Food and Agriculture Organization of the United Nations.
http://www.fao.org/3/a-i3325e.pdf D’ici à 2050, la population mondiale augmentera d’un tiers. La plupart de ces 2 milliards de personnes supplémentaires vivront dans des pays en développement. Dans le même temps, davantage de personnes vivront en ville. Selon les estimations de la FAO, si les tendances actuelles de la croissance du revenu et de la consommation se poursuivent, il faudra augmenter la production agricole de 60 % d’ici à 2050 pour satisfaire les besoins alimentaires tant humains qu’animaux escomptés. Par conséquent, l’agriculture doit se transformer afin de parvenir à nourrir une population mondiale croissante et servir de base à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Les changements climatiques rendront cette tâche plus difficile dans le cadre du scénario du statu quo, en raison de leurs effets néfastes sur l’agriculture, ce qui nécessitera une spirale d’adaptation et de coûts connexes. -
3
FAO. 2012b. Mainstreaming climate-smart agriculture into a broader landscape approach. Rome, Italy: Food and Agriculture Organization of the United Nations.
http://www.fao.org/docrep/016/ap402e/ap402e.pdf La grande diversité actuelle des paysages semi-naturels et artificiels est le résultat de centaines d’années d’interventions humaines. La gestion et l’utilisation des ressources naturelles et des services d’origine écosystémique ont permis de répondre aux nombreux besoins de l’humanité en aliments, en fibres, en fourrages, en combustibles, en matériaux de construction, en médicaments et en eau. Cependant, elles se sont souvent faites de manière non durable, ce qui a causé la dégradation de la base de ressources naturelles et la perte de services d’origine écosystémique. La pression croissante exercée par la croissance démographique, les changements liés aux modes de consommation alimentaire, les changements climatiques et la concurrence d’autres secteurs affaiblit encore la viabilité des systèmes actuels. Le triple défi qui consiste à la fois à atténuer les effets des changements climatiques, à protéger plus efficacement les ressources naturelles et à produire davantage de nourriture et garantir la sécurité alimentaire pour les générations futures exige des politiques et des approches efficaces. Cet article traite de la manière dont les approches paysagères peuvent être utilisées dans la création de systèmes de production polyvalents intégrés qui soient écologiquement et socialement viables. Le document évalue les principales interventions politiques, financières, institutionnelles et de gouvernance nécessaires et analyse comment une approche paysagère peut favoriser l’adoption d’une agriculture intelligente face au climat et engendrer une croissance verte. Enfin, il traite de la manière dont les synergies entre les secteurs agricole et forestier peuvent être améliorées et comment cela peut être facilité par la mise en œuvre du programme REDD+. -
4
Millennium Ecosystem Assessment. 2005. Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. Washington, DC: Island Press.
http://www.millenniumassessment.org/documents/document.356.aspx.pdf Au cours des 50 dernières années, l’Homme a changé les écosystèmes plus rapidement et plus largement qu’à n’importe quelle période comparable de l’histoire de l’humanité, essentiellement pour répondre à la demande croissante de nourriture, d’eau douce, de bois, de fibre et de carburant. Ceci s’est traduit par une perte substantielle et largement irréversible de la diversité de la vie sur terre. Les changements qui ont été apportés aux écosystèmes ont contribué à des gains substantiels nets en termes de bien-être humain et de développement économique, mais ces gains ont été réalisés à des coûts croissants sous forme de dégradation de nombreux services d’origine écosystémique, de risques accrus de changements non linéaires, et d’exacerbation de la pauvreté pour certains groupes de personnes. À moins que ces problèmes ne soient résolus, ils réduiront considérablement les avantages que les générations futures tireront des écosystèmes. La dégradation des services d’origine écosystémique pourrait s’aggraver considérablement au cours de la première moitié de ce siècle et constitue un obstacle à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le défi consistant à inverser la tendance à la dégradation des écosystèmes tout en répondant à la demande croissante pour leurs services peut être partiellement relevé dans certains scénarios que le MA a envisagés, mais ils impliquent des changements importants au niveau des politiques, institutions et pratiques qui ne sont pas en cours à l’heure actuelle. Il existe de nombreuses solutions pour conserver ou améliorer certains services d’origine écosystémique de manière à réduire les compromis négatifs ou à créer des synergies positives avec d’autres services d’origine écosystémique. -
5
Scherr SJ, Shames S, Friedman R. 2012. From climate-smart agriculture to climate-smart landscapes. Agriculture & Food Security 1:12.
http://dx.doi.org/10.1186/2048-7010-1-12 Pour que les systèmes agricoles atteignent des objectifs intelligents face au climat, y compris l’amélioration de la sécurité alimentaire et des moyens d’existence en milieu rural, ainsi que l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques, ils doivent souvent adopter une approche paysagère ; ils doivent devenir des « paysages intelligents face au climat ». Des paysages intelligents face au climat fonctionnent selon les principes de la gestion intégrée du paysage, tout en intégrant explicitement l’adaptation et l’atténuation dans leurs objectifs de gestion. Une évaluation de la dynamique des changements climatiques liée à l’agriculture révèle que les trois principaux aspect suivants caractérisent un paysage intelligent face au climat : des pratiques intelligentes face au climat à l’échelle du champ et de la ferme ; une diversité d’utilisations des terres à travers le paysage afin d’assurer la résilience ; et la gestion des interactions liées à l’utilisation des terres à l’échelle du paysage pour obtenir des impacts sociaux, économiques et écologiques. Afin d’exploiter les paysages agricoles intelligents face au climat présentant ces caractéristiques (c’est-à-dire pour les promouvoir efficacement et les pérenniser dans le contexte de conditions économiques, sociales, écologiques et climatiques dynamiques), il faut plusieurs mécanismes institutionnels : une planification multi-parties prenantes, une gouvernance des paysages et un mode de possession des ressources favorables, des investissements spatiaux ciblés dans le paysage qui contribuent à la réalisation d’objectifs intelligents face au climat, et le suivi des changements afin de déterminer si les objectifs sociaux et climatiques sont atteints à différentes échelles. Des exemples d’initiatives paysagères intelligentes face au climat dans les Hautes-Terres de Madagascar, le Sahel africain et les Tropiques humides australiennes illustrent l’application de ces éléments dans des contextes différents. Afin de réaliser de telles initiatives à grande échelle, il faudrait renforcer les capacités techniques et institutionnelles, ainsi que le soutien politique en faveur de la planification multi-parties prenantes, de la gouvernance, du ciblage spatial des investissements et de la surveillance multi-objectifs des impacts. -
6
Harvey CA, Chacon M, Donatti CI, (…), van Etten J, Wollenberg E. 2013. Climate-Smart Landscapes: Opportunities and Challenges for Integrating Adaptation and Mitigation in Tropical Agriculture. Conservation Letters 7(2):77-90.
http://dx.doi.org/10.1111/conl.12066 Afin de relever les défis mondiaux des changements climatiques, de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté, il y a lieu d’améliorer la capacité d’adaptation et le potentiel d’atténuation des paysages agricoles dans les zones tropicales. Cependant, les activités d’adaptation et d’atténuation ont tendance à être abordées séparément en raison de diverses contraintes d’ordre technique, politique, financier et socioéconomique. Nous démontrons ici que de nombreux systèmes agricoles tropicaux peuvent offrir des avantages en matière d’atténuation et d’adaptation s’ils sont conçus et gérés de manière appropriée et si on considère le contexte paysager au sens large. Nombre des activités nécessaires à l’adaptation et à l’atténuation dans les paysages agricoles tropicaux sont les mêmes que celles nécessaires pour une agriculture durable, plus généralement ; mais le fait de porter la réflexion à l’échelle du paysage ouvre une nouvelle dimension pour la création de synergies. L’intégration délibérée d’activités d’adaptation et d’atténuation dans les paysages agricoles offre d’importants avantages qui vont au-delà de la portée des changements climatiques, à la sécurité alimentaire, à la conservation de la biodiversité et à la réduction de la pauvreté. Toutefois, la réalisation de ces objectifs passe nécessairement par des changements transformateurs au niveau des politiques actuelles, des dispositions d’ordre institutionnel et des mécanismes de financement afin de favoriser l’adoption à grande échelle des approches intelligentes face au climat dans les paysages agricoles.
Chaînes de valeur
Introduction
Les chaînes d’approvisionnement établissent des liens entre les acteurs qui fournissent un produit depuis l’étape initiale de la fourniture d’intrants jusqu’à sa destination finale sur le marché, en passant par les différentes phases de la production – les chaînes de valeur ajoutant et distribuant de la valeur le long de cette chaîne d’approvisionnement. Une expression qui décrit bien les chaînes de valeur alimentaires est « du champ à l’assiette », qui signifie qu’un produit alimentaire part des agriculteurs qui le cultivent et le récoltent, jusqu’au marché, en passant par des intermédiaires, notamment les organisations de producteurs, les transformateurs, les transporteurs, les grossistes et les détaillants – pour atteindre, en définitive, les consommateurs en aval (Camagni and Kherallah 2014), 7bien que la partie de la chaîne de valeur qui précède les opérations au champ – à savoir la fabrication et la distribution d’intrants tels que les semences, les engrais, l’eau, l’énergie, le nouveau bétail et les produits vétérinaires – revête également une importance capitale.
Les approches chaîne de valeur réunissent les acteurs concernés de différentes parties de la chaîne de valeur et de son cadre stratégique, pour prendre des décisions de manière coordonnée (Vermeulen et al. 2008). 8Elles sont devenues populaires pour la résolution de problèmes tels que l’intégration des petits exploitants agricoles dans les chaînes de valeur modernes ou l’amélioration des acquis et de résultats pertinents de la chaîne de possession tels que la sécurité alimentaire. Aussi, le recours aux approches chaîne de valeur dans les efforts d’adaptation constitue-t-il une démarche très judicieuse. Par exemple, il peut être bon pour les producteurs de passer à une variété de culture ou de poisson moins sensible aux changements climatiques ; toutefois, la capacité à commercialiser le nouveau produit nécessitera des changements au niveau des consommateurs, des détaillants et des personnes en charge de la logistique.
En général, les interventions d’adaptation efficaces dans le cadre des projets relatifs aux chaînes de valeur comprennent les trois éléments suivants (Vermeulen 2015b): 9
- Diversification : il s’agit de l’intégration d’une gamme plus large de produits et de pratiques dans toute la chaîne comme stratégie de gestion des risques.
- Prise en compte du climat : il s’agit d’interventions spécifiques visant à veiller à ce que les étapes clés de la chaîne de valeur améliorent la capacité d’adaptation.
- Efficacité de la chaîne d’approvisionnement : il s’agit de mesures telles que la réduction des déchets ou la gestion des stocks de déchets qui améliorent l’efficacité, assurent une meilleure rentabilité et, partant, renforcent la capacité d’adaptation.
Contribution à l’AIC
- Productivité : les interventions axées sur le stockage peuvent aider à réduire les pertes post-récolte et fournir de nombreux avantages pour la productivité et les moyens d’existence des agriculteurs, comme dans le cas du Projet de stockage efficace des céréales (Effective Grain Storage Project (EGSP) (CIMMYT 2014). 10L’accès aux marchés peut également améliorer les revenus et les moyens d’existence ; par exemple, le Projet d’adaptation aux marchés et aux changements climatiques au Nicaragua (NICADAPTA) augmentera les revenus et la productivité de 20 %.
- Adaptation : des interventions réussies relatives aux chaînes de valeur qui permettent d’atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté seront avantageuses pour l’adaptation aux changements climatiques, dans la mesure où elles accroissent le patrimoine des agriculteurs et renforcent leurs liens institutionnels. Par exemple, selon les prévisions, le projet NICADAPTA permettra d’améliorer la résilience de 20 000 familles dans la chaîne de valeur du café au Nicaragua (IFAD 2014a). 11
- Atténuation : les interventions basées sur la chaîne de valeur peuvent viser à offrir des avantages d’atténuation à plusieurs niveaux au sein de la chaîne de valeur ; par exemple, au niveau de la production d’intrants, de la logistique, du transport et de la réduction des pertes post-récolte. Au Kenya, les pratiques d’alimentation et d’élevage intelligentes face au climat diffusées auprès de 600 000 agriculteurs devraient réduire les émissions de 1,2 million de tCO2e d’ici 2018 (CCAFS 2015). 12Au Nicaragua, le projet NICADAPTA les réduira de 2 millions de tCO2e. Les données relatives aux émissions à différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement pour ces cas n’ont pas été trouvées et devraient être une priorité pour les études futures.
Ressources clés
Vermeulen SJ. 2015. How to assess climate change risks in value chain projects. Rome, Italy: IFAD.Comment évaluer les risques liés aux changements climatiques dans les projets de chaîne de valeur.
http://www.ifad.org/knotes/climate/htdn_climate_vc.pdf
Cette note pratique contient des suggestions et des directives pratiques à l’intention des gestionnaires de programmes pays, des équipes de conception de projets et des partenaires de mise en œuvre, destinées à les aider à concevoir et mettre en œuvre les programmes et projets. Tout d’abord, elle présente la manière d’intégrer l’analyse des risques climatiques dans le cycle des projets relatifs aux chaînes de valeur. Ensuite, elle prodigue des conseils concernant la conception de projets relatifs à des sujets pertinents tels que le choix de la chaîne de valeur ; l’identification des principaux risques climatiques dans la chaîne de valeur ; le choix des interventions climatiques les plus efficaces ; le ciblage des plus vulnérables aux risques climatiques ; la mise à échelle des interventions climatiques. Enfin, la note aborde également six études de cas fondées sur des projets récents du FIDA.
FAO. 2013. Climate-Smart Agriculture Sourcebook. Module 11: Developing sustainable and inclusive food value chains for climate-smart agriculture. Rome, Italy: Food and Agriculture Organization of the United Nations. Pp. 285-319.Guide de références à l’agriculture intelligente face au climat. Module 11: Créer des chaînes de valeur alimentaire durables et inclusives pour l’agriculture intelligente face au climat.
http://www.fao.org/3/a-i3325e.pdf
Ce module traite du concept et du cadre de la chaîne de valeur alimentaire durable et inclusive et de la manière dont cette approche contribue à l’agriculture intelligente face au climat (AIC). En outre, il fournit des informations sur les technologies et pratiques possibles le long de la chaîne de valeur et décrit les interventions possibles des différentes parties prenantes. Enfin, le module propose une approche par étape en vue d’aider les acteurs de la chaîne à identifier les étapes de la chaîne où des améliorations peuvent être apportées pour atteindre des objectifs durables et inclusifs.
Vermeulen SJ, Campbell BM, Ingram JSI. 2012. Climate Change and Food Systems. Annual Review of Environment and Resources 37:195-222.Changements climatiques et systèmes alimentaires.
http://dx.doi.org/10.1146/annurev-environ-020411-130608
Ce document a pour but de donner un aperçu critique de la littérature abondante de nos jours sur le lien étroit entre les changements climatiques et les systèmes alimentaires. Il vise, en particulier, à attirer l’attention sur des enjeux plus larges des systèmes alimentaires au-delà de la production alimentaire, à mettre en évidence la répartition des impacts climatiques sur la sécurité alimentaire dans tous les secteurs de la société mondiale et à définir les opportunités et les défis liés à l’intégration des options d’atténuation, d’adaptation et de sécurité alimentaire, dans les systèmes alimentaires.
Benedikter A, Läderach P, Eitzinger A, Cook S, Quiroga A, Pantoja A, Bruni M. 2011. Adaptation of food supply chains to climate change: A framework. Working Paper. Cali, Colombia: Centro Internacional de Agricultura Tropical (CIAT).Cadre d’adaptation des filières agroalimentaires aux changements climatiques.
http://dapa.ciat.cgiar.org/wp-content/uploads/2011/07/Adaptation-Framework-Report.pdf
Ce rapport présente un cadre pour l’adaptation inclusive de la chaîne d’approvisionnement aux impacts des changements climatiques sur l’agriculture. L’objectif primordial des concepts présentés ici consiste à aider à bâtir des systèmes de production agricole à l’épreuve du climat et à réduire la vulnérabilité des petits exploitants agricoles aux effets néfastes des changements climatiques mondiaux (CCM) en hissant les stratégies d’adaptation au niveau de la chaîne d’approvisionnement. Le cadre est constitué de trois principaux domaines d’intervention complémentaires, qui sont les piliers nécessaires qui sous-tendent la réalisation de ces objectifs, en l’occurrence : l’analyse de la chaîne d’approvisionnement, l’évaluation de la vulnérabilité et l’évaluation des modes de comportement. Les analyses de ces trois principaux éléments reposent sur les résultats de trois sites d’étude de cas.
CCAFS Big Facts website
Preuves de réussite pour chaînes de valeur :
https://ccafs.cgiar.org/bigfacts/#theme=evidence-of-success&subtheme=valuechain&csSubtheme=true
Études de cas
References
-
7
Camagni M, Kherallah M. 2014. Commodity value chain development projects. Rome, Italy: International Fund for Agricultural Development.
http://www.ifad.org/knotes/valuechain/vc_teaser.pdf Les organismes gouvernementaux et donateurs ont de plus en plus recours à une approche de la chaîne de valeur dans le cadre de leurs stratégies et interventions de développement et de réduction de la pauvreté. Ce document présente l’historique et le contexte des projets relatifs aux chaînes de valeur, ainsi que leurs éléments clés et justification. Il décrit en plus les principaux points saillants, défis, opportunités et avantages. Les principales questions liées aux projets relatifs aux chaînes de valeur sont prises en compte à travers un guide indiquant les meilleurs voies et moyens de cibler les populations rurales pauvres à l’aide de l’approche. -
8
Vermeulen S, Woodhill J, Proctor F, Delnoye R. 2008. Chain-wide learning for inclusive agrifood market development: a guide to multi-stakeholder processes for linking small-scale producers to modern markets. London, United Kingdom: IIED.
http://www.regoverningmarkets.org/en/resources/global/chain_wide_learning_guide_for_inclusive_agrifood_market_development Les marchés agroalimentaires modernes sont dynamiques. L’évolution rapide des procédés de production, de transformation et de vente en gros et au détail des aliments a une incidence sur l’ensemble de la chaîne de valeur – depuis le producteur jusqu’au consommateur. En particulier, dans les pays en développement et émergents, le rythme de l’évolution entraîne d’importants défis que doivent relever les petits producteurs, les décideurs et les entreprises. Ce guide présente des concepts et des outils pour la collaboration avec les acteurs de toute la chaîne de valeur afin de veiller à ce que les marchés modernes puissent inclure les petits producteurs et les entrepreneurs. Il : - explique les facteurs de changement sur les marchés agroalimentaires modernes ; - offre un cadre pour l’analyse de la manière dont les institutions et les politiques façonnent les risques et les opportunités pour les petits producteurs et les entrepreneurs ; - indique comment concevoir des processus multi-parties prenantes qui aident les acteurs de la chaîne à œuvrer ensemble à la réalisation des intérêts communs et à la mise en place de marchés nationaux et régionaux incluant les petits producteurs et les entrepreneurs ; - propose des idées pratiques pour faciliter les ateliers et les séances de dialogue sur les politiques. -
9
Vermeulen SJ. 2015b. How to assess climate change risks in value chain projects. Rome, Italy: International Fund for Agricultural Development.
http://www.ifad.org/knotes/climate/htdn_climate_vc.pdf Vermeulen (2015) met à disposition un guide pratique pour l’intégration de l’analyse des risques climatiques dans les projets relatifs aux chaînes de valeur. Ces analyses sont d’autant plus pertinentes pour les interventions relatives à la chaîne de valeur agricole que les changements climatiques risquent de poser d’importantes pertes, en raison de l’accroissement des phénomènes météorologiques extrêmes, mais offrent également des opportunités, notamment l’ouverture de nouvelles zones agricoles. Cinq décisions clé qui sous-tendent l’approche concernent : le choix de la chaîne de valeur ; l’identification des principaux risques climatiques existants ; le choix des interventions climatiques les plus efficaces ; le ciblage des personnes les plus vulnérables aux changements climatiques ; et la mise à échelle des interventions liées au climat. Cette étape du processus décisionnel est amplement décrite, avec une sélection d’études de cas de projets qui démontrent les approches possibles pour l’intégration des éléments des changements climatiques dans les chaînes de valeur. -
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CIMMYT. 2014. Effective Grain Storage Project (EGSP).
http://www.cimmyt.org/from-kenya-to-southern-africa-effective-grain-storage-crosses-borders/ Le maïs est essentiel à la sécurité alimentaire, au développement rural et à la réduction de la pauvreté en Afrique orientale et australe (AOA). Le manque de technologies appropriées d’entreposage des céréales se traduit par d’importantes pertes dues aux ravageurs après la récolte (le grand capucin et le charançon), sape la sécurité alimentaire, contraint les agriculteurs à vendre le maïs lorsque les prix sont faibles et freine l’apport de valeur ajoutée et l’accès aux opportunités de crédit pour les ménages pauvres. Le projet vise l’élaboration et la mise en œuvre expérimentale de l’approche des silos métalliques « POSTCOSECHA » pour l’amélioration du stockage des céréales dans quelques régions et pays pilotes de l’AOA. Elle bénéficie du soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et s’appuie sur ses expériences réussies en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. Outre le lancement du programme en Afrique, le projet fournira à la DDC et à d’autres investisseurs potentiels des éléments concluants sur la viabilité, le potentiel d’impact et le mode de reproduction concret à utiliser pour lancer un programme à plus long terme en AOA. -
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IFAD. 2014a. Adapting to Markets and Climate Change Project (NICADAPTA).
http://www.ifad.org/climate/asap/factsheets/ASAP_factsheet_Nicaragua_WEB.pdf Cette fiche d’information sur l’ASAP, qui couvre le Projet d’adaptation aux marchés et au changement climatique au Nicaragua (NICADAPTA), est assortie d’une liste de chiffres clés, ainsi que des questions, des mesures et des impacts escomptés. -
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CCAFS. 2015. Scaling up climate-smart dairy practices in Kenya through Nationally Appropriate Mitigation Actions. Outcome cases. Copenhagen, Denmark: CGIAR Research Program on Climate Change, Agriculture and Food Security (CCAFS).
https://cgspace.cgiar.org/rest/bitstreams/59170/retrieve Le secteur de l’élevage est responsable de 14 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre causées par l’homme, ce qui en fait un secteur incontournable pour les mesures d’atténuation. En particulier dans le secteur laitier, l’amélioration de la production et des pratiques d’alimentation du bétail peut avoir d’importants avantages en matière d’atténuation et de moyens d’existence, tout en améliorant la résilience aux changements climatiques. Mettant l’accent sur les avantages en termes d’atténuation de ces pratiques en tant que point d’entrée, le secteur laitier du Kenya met à profit le financement du climat pour promouvoir le développement durable.