Contexte
Le Guatemala est très tributaire des combustibles fossiles. En 2007, le pays a importé 4 200 millions de litres de gasoil pour la consommation nationale. Cependant, le Ministère de l’agriculture avait identifié plus de 600 000 hectares de terres improductives qui se prêtaient à la culture de jatropha. Environ 40 % de chaque graine de jatropha contient une huile qui, une fois extraite, peut être utilisée directement comme biocarburant. Selon les estimations, si toutes ces terres inutilisées étaient affectées à la culture du jatropha, le pays pourrait remplacer 80 % du gasoil importé par de l’huile produite au niveau national (PAC 2009, 1 TechnoServe 2008 2).
Le Projet de développement rural axé sur le biocarburant vise à améliorer les moyens d’existence des agriculteurs pauvres en dotant l’économie familiale d’un produit supplémentaire qui ne serait pas en concurrence avec les produits alimentaires, qui n’empièterait pas sur les terres forestières et qui pourrait générer un revenu supplémentaire à l’aide des terres marginales. Il a favorisé la mise sur pied de coopératives de petits producteurs pour la plantation de jatropha et la vente de l’huile aux entreprises de transformation plus grandes et, en définitive, aux grandes entreprises. Le projet a été élaboré et mis en œuvre par TechnoServe (PAC 2009, 1 TechnoServe 2008 2).
Dans d’autres régions du monde, en revanche, les expériences se sont soldées par des rendements nettement plus faibles que prévu, ce qui s’est traduit par des taux de retour sur investissement négatifs. Dans le même temps, une étude de cas réalisée dans l’Andhra Pradesh en Inde a montré que les espèces utilisées étaient sujettes à des attaques de termites et à l’engorgement des sols et étaient vulnérables à la sécheresse qui retardait la récolte (Kant and Wu 2011). 3
Lien avec l’AIC
Si les problèmes de la faiblesse des rendements et des taux de retour sur investissement négatifs sont résolus, la production de biocarburant à partir du jatropha pourrait fournir une source d’énergie « neutre en carbone » qui contribuerait directement à atténuer les effets des changements climatiques en réduisant la dépendance aux combustibles fossiles et les émissions de gaz à effet de serre (GES) connexes. En outre, la production de biocarburant augmente la résilience des agriculteurs aux chocs climatiques en générant des revenus supplémentaires à partir de terres dégradées, même pendant les saisons difficiles pour les cultures vivrières.
Impacts et leçons apprises
Il ressort d’une étude de cas de 2012 (Barbee 2012) 4 portant sur le projet TNS Guatemala que, comme dans d’autres régions du monde, les rendements des plantes étaient faibles et que les progrès liés à la mise en place de centres de transformation avaient été timides. À la fin de 2010, il n’y existait qu’un centre de collecte/extraction de graines opérationnel et deux autres étaient en pleine mise en place.
De manière plus générale, il convient de souligner que des entreprises agro-industrielles ont entrepris récemment de nouveaux investissements importants dans le jatropha, suite à la mise au point de nouveaux hybrides à plus haut rendement. Il reste à savoir, cependant, quand ou si le jatropha deviendra « le carburant vert ami des petits agriculteurs qui ne déplace pas les cultures vivrières et a peu d’impact sur l’environnement » (Pearce 2013). 5
References
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1
PAC. 2009. Small-Scale Bioenergy Initiatives: Brief description and preliminary lessons on livelihood impacts from case studies in Asia, Latin America and Africa. Rome, Italy: Food and Agriculture Organization of the United Nations; PISCES.
ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/011/aj991e/aj991e.pdf Ce rapport repose sur une série de 15 études de cas internationales effectuées entre septembre et novembre 2008 dans le cadre d’une initiative conjointe de la FAO et du Consortium du Programme de recherche sur l’énergie (PISCES) financé par le DFID. Les études de cas ont porté sur l’amélioration de la compréhension des liens entre les moyens d’existence et les Initiatives bioénergétiques à petite échelle. L’étude a été réalisée de concert avec le Groupe consultatif du consortium (CAG) de PISCES. Il regroupe des participants internationaux de premier plan dans le domaine de l’énergie et du développement, notamment des membres de l’AIE, du PNUE, d’ENERGIA, du DFID et de la FAO, ainsi que des décideurs et des organisations de recherche des pays du PISCES, en l’occurrence l’Inde, le Kenya et la Tanzanie. L’étude a porté sur les impacts que les différents types d’initiatives bioénergétiques locales peuvent avoir sur les moyens d’existence ruraux dans différents contextes dans les pays en développement. Par moyens d’existence, on entend l’amélioration de l’ensemble des capitaux naturels, financiers, humains, sociaux et physiques sur une base durable et permanente. -
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TechnoServe. 2008. Biodiesel for rural development: lessons from Guatemala on how to increase livelihoods for the poor.
http://www.un.org/en/ecosoc/docs/statement08/lionel_lopez.pdf Cette présentation porte sur l’utilisation du biodiésel et son impact sur le développement rural, en particulier sur les petits exploitants agricoles au Guatemala. Technoserve est une organisation à but non lucratif basée à Washington qui intervient au niveau international dans le cadre du développement rural, modélisant et mettant en œuvre des solutions durables pour les petits producteurs. L’organisation met l’accent sur l’entreprenariat, faisant de la mise en œuvre de modèles économiques durables axés sur une approche intégrée sa mission principale et prenant en compte les considérations environnementales et sociales. -
3
Kant P, Wu S. 2011. The Extraordinary Collapse of Jatropa as a Global Biofuel. Environmental Science & Technology 45(17):7114-7115.
http://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/es201943v Le mélange de diesel fossile et de biodiesel constitue une importante stratégie d’atténuation des changements climatiques à travers le monde. En 2003, la Commission de planification de l’Inde a décidé d’introduire des mélanges obligatoires dans des parties de plus en plus grandes du pays et d’atteindre un niveau de mélange de 30 % à l’horizon 2020. Aussi, a-t-elle opté pour des espèces d’oléagineuses non comestibles de Jatropha curcus cultivées sur des terres inadaptées à l’agriculture, car elles étaient considérées comme riches en huile, précoces, non consommables par les animaux et nécessitant peu d’irrigation, encore moins de gestion. Dans le cadre d’un programme de plantation massive d’une ampleur sans précédent, des millions d’agriculteurs marginaux et de paysans sans terre ont été encouragés à planter du jatropha dans toute l’Inde à travers des mécanismes attrayants. Toutefois, les résultats sont tout sauf encourageants. En Inde, les dispositions relatives au mélange obligatoire n’ont pu être appliquées, car la production de semences était loin des attentes et une étude récente a fait état d’un taux d’abandon de 85 % des producteurs de Jatropha. -
4
Barbee M. 2012. Creating a Biodiesel Industry to Impact the Rural Poor in Guatemala. The Mortenson Center in Engineering for Developing Communities, University of Colorado.
https://mcedc.colorado.edu/sites/default/files/Jatropha%20Biofuels%20Case%20Study%20May%202012.pdf Le marché du biodiésel est en plein essor à travers le monde afin d’augmenter les sources d’hydrocarbures fossiles pour les divers services énergétiques de la planète. Les investisseurs et les fournisseurs ont recherché, pendant des décennies, des sources végétales d’huile à haut rendement, pérennes et riches en énergie afin de concurrencer la part du gasoil sur les marchés mondiaux. Ainsi, d’importants investissements ont été effectués au cours de la dernière décennie dans le Jatropha curcas, une plante connue pour ses riches graines oléagineuses et réputée pour ses rendements élevés sur les sols pauvres. Les graines de la plupart des variétés contiennent 35 à 45 % d’huile, tandis que les portions restantes sont riches en nutriments, ce qui favorise l’incorporation des déchets de graines dans les produits à valeur ajoutée. Le principal produit viable provenant des tourteaux est un engrais organique simple qui peut être appliqué sur de petites ou grandes parcelles afin d’améliorer les rendements des cultures commerciales ou vivrières. L’huile et le tourteau contiennent du curcine, qui, en plus d’autres composés, contient différents types d’esters de phorbol, dont l’un est PMA, l’agent promoteur naturel de tumeur le plus puissant connu à ce jour. Il existe de nombreux risques associés au traitement et à l’application de l’engrais à base de tourteaux bruts et ce document est censé servir de ressource pour favoriser la compréhension des risques, fournir des informations et faire des suggestions en vue de l’atténuation des conséquences négatives. Le présent document présente l’historique du Jatropha, sa valeur en tant qu’engrais, une description de sa toxicité, l’application d’un cadre d’évaluation des risques à un cas au Guatemala et, enfin, des recommandations concernant la gestion des risques pour les individus, les organisations et les entreprises privées désireux de promouvoir la culture de souches toxiques de Jatropha curcas et l’utilisation de ses flux de déchets. -
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Pearce F. 2013. Jatropha: it boomed, it busted, and now it’s back. CGIAR Research Program on Water, Lad and Ecosystems.
https://wle.cgiar.org/thrive/2013/04/10/jatropha-it-boomed-it-busted-and-now-its-back Ce blog traite de la résurgence du biocarburant controversé à base de jatropha.